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       Bombardée il y a 80 ans, cette commune bretonne commémore " son " 8
       mai
        
 (HTM) Source
        
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       Le hurlement des sirènes déchire la nuit de pleine lune, quelque part
       entre le 7 et le 8 mai 1944. Le bourg de Bruz se réveille en sursaut.
       Mais les 800 âmes qui y vivent n'ont pas le temps de trouver refuge.
       Le sifflement des bombardiers laisse vite place au vacarme des
       explosions. Le déluge de ferraille anéantit le village en une heure.
       183 civils, dont 51 enfants, périssent dans une tragédie dont la
       commune commémore, en cette année 2024, les 80 ans.
        
       La journée, pourtant, avait apporté un peu de réconfort, dans le
       quotidien sombre de l'Occupation nazie. C'était jour de communion
       solennelle pour les enfants de cette commune du sud de Rennes. Le ciel
       était bleu, les esprits plus légers. Mais Bruz est vite rattrapée par
       la réalité de la guerre. D'autant qu'elle se trouve dans un secteur
       stratégique pour les Alliés : l'aérodrome de Saint-Jacques, utilisé
       par les Allemands, est à proximité. Un important dépôt de munitions se
       trouve également à un peu plus d'un kilomètre.
        
       ## Erreur de marquage
        
       Ces deux cibles sont dans le collimateur d'un escadron de 55 Lancaster
       britanniques, accompagnés d'avions canadiens et australiens. Ce soir-
       là, ils ont reçu pour ordre d'abattre plusieurs infrastructures
       ennemies dans l'Ouest. Au sud de Rennes, l'aérodrome est touché en
       premier. Dans le mille : douze des dix-huit hangars sont détruits ou
       endommagés. La nuée poursuit sa course plein sud, direction le second
       objectif du secteur. Il est alors environ minuit.
        
       L'équipage, victorieux dans sa première attaque, commet alors une
       erreur tragique de balisage de cible. D'après les rapports d'époque de
       la Royal Air Force, les avions leaders ont vraisemblablement mal tiré
       les feux de marquage au sol censés indiquer aux suivants où larguer
       les bombes. Les engins explosifs ne tombent pas sur le dépôt de
       munitions mais sur le paisible village, où 860 impacts seront
       recensés.
        
       Maryvonne, alors âgée de sept ans, se souvient encore des cris de ses
       parents la tirant du sommeil. Prise de court par l'attaque, la famille
       est blottie à l'étage, alors que la guerre se déchaîne autour pendant
       vingt-cinq minutes interminables. Par miracle, ils sont indemnes. « La
       maison a été à moitié détruite », se remémore la Bruzoise. « Quand ça
       s'est arrêté, on a voulu descendre mais il n'y avait plus d'escalier.
       On a dû escalader les gravats pour aller en bas. »
        
       Maryvonne avait sept ans lorsque Bruz a été bombardée par les Alliés.
       Elle et sa famille en sont sorties indemnes. (Le Télégramme/Romain
       Roux)
        
       ## Des familles entières disparaissent
        
       Se croyant tirés d'affaire, les premiers habitants sortent pour
       secourir les blessés. Mais une deuxième vague de bombardement déferle.
       Jean-Yves, huit ans à l'époque, s'engouffre dans la cave, sous les
       bras de son père. « On était assis au pied de l'étagère où on mettait
       nos bouteilles de cidre. Ça tremblait tellement qu'elles nous
       tombaient sur la tête », se souvient l'octogénaire. « Dieu merci, la
       maison ne s'est pas effondrée sur nous. C'est comme ça que beaucoup
       sont morts. » Le bilan est effarant : des familles entières sont
       rayées de l'état civil. Le village est un océan de gravats.
        
       La tragédie est aussitôt récupérée par les collaborationnistes. « Un
       raid terroriste des Anglo-américains », titre la presse, le lendemain.
       Lors des obsèques, deux jours plus tard, le préfet de Vichy tente
       aussi d'en tirer parti : « Unissons-nous autour de nos morts, autour
       du chef vénéré qui s'est donné au pays (…), comme se sont unis dans
       cette nuit tragique les sauveteurs accourus pour sauver ce qui pouvait
       l'être. »
        
       Comme si l'Histoire avait tenté de réparer la tragédie de Bruz,
       l'Allemagne capitulera un an plus tard, jour pour jour, marquant ainsi
       la fin de la Seconde guerre mondiale. Et, chaque année, pendant que la
       France célèbre l'évènement, la commune bretonne rend hommage aux 183
       victimes devant le monument portant leur nom. « Son » 8 mai à elle.
        
        
        
        
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