(C) Global Voices This story was originally published by Global Voices and is unaltered. . . . . . . . . . . La Chine est-elle en partie responsable de la destruction des Miombo en Afrique ? [1] ['Desire Nimubona'] Date: 2024-06-20 Les Miombo sont un ensemble de forêts qui couvrent plusieurs pays du bassin du Congo et de l'Afrique australe. Ces végétations sont composées de prairies tropicales et subtropicales contribuant à la séquestration de 0,5 à 0,9 tonne de carbone par hectare et par an, ce qui en fait un élément crucial de la compensation des émissions humaines de carbone. Le Burundi, la Tanzanie, le Malawi, la RD Congo, l'Angola, le Mozambique, l'Afrique du Sud, la Namibie, la RD Congo, la Zambie et le Zimbabwe, qui abritent les forêts de Miombo, bénéficient énormément de celles-ci, car elles luttent efficacement contre les phénomènes de réchauffement climatique et d'érosion tout en contribuant à limiter les catastrophes climatiques dans la région. La forêt et l’écosystème environnant servent également de sources de moyens de subsistance et des économies pour les populations locales. Par exemple, au début de la saison des pluies en septembre, les arbres des Miombo perdent leurs feuilles, ce qui favorise la croissance de champignons rouges appelés « Kabengera » en langue kirundi. Les champignons rouges peuvent coûter entre 5 et 7 dollars le kilo, ce qui en fait une ressource économique lucrative, notamment au Burundi et en Tanzanie, où le revenu par habitant est parmi les plus bas de la région. Au moins 300 millions de personnes en Afrique australe, en Afrique de l'Est et en Afrique centrale bénéficient des produits des Miombo, selon le président du Mozambique Filipe Nyusi. Les forêts de Miombo abritent certaines espèces d’animaux dont ceux qui sont déclarés endémiques, notamment des lions, des grands singes, des éléphants, des rhinocéros, etc une faune hors du commun. Malgré le rôle important des forêts dans la société, les investisseurs étrangers, en particulier les groupes commerciaux chinois, participent à la déforestation illégale à des fins minières, forestières et commerciales. Entreprises chinoises dans la forêt de Miombo De nombreuses sociétés forestières entretiennent des relations tumultueuses ou pas avec la Chine dans la forêt de Miombo et dans le bassin du Congo. Les trois quarts du bois du Miombo sont exportés vers la Chine. Dans le même temps, la Chine importe les deux tiers des grumes tropicales mondiales. Selon l'Administration nationale chinoise des forêts et des prairies (NFGA), la consommation de bois en 2019 était de 431 millions de mètres cubes RWE (une unité utilisée pour mesurer le volume des grumes), dont 90 % étaient utilisés pour la construction et la fabrication de papier et de meubles. Les entreprises chinoises locales jouent un rôle crucial dans la promotion du commerce et des exportations de bois local. Il reste toutefois à voir si les entreprises chinoises respectent les réglementations locales en matière d’exploitation forestière. La plupart de ces sociétés forestières chinoises appartiennent au secteur privé plutôt qu’à l’État et, sur le papier, la plupart ont obtenu des droits d’exploitation du bois. Par exemple, au Gabon, la Chine détient 25 pour cent des droits d’exploitation du bois, et ce pourcentage est en constante augmentation. Cependant, posséder ces droits ne garantit pas que l’exploitation respecte les réglementations légales. En 2022, une enquête menée par EL PAÍS/Planeta Futuro, un journal espagnol, a révélé que de nombreuses entreprises chinoises en connivence avec les autorités locales avaient versé des pots-de-vin pour acquérir illégalement des droits d'exploitation forestière. À Yaliwasa, située dans le nord de la République du Congo, des arbres centenaires de la forêt tropicale humide ont été abattus et immédiatement expédiés illégalement vers la Chine et d’autres pays. L’une des sociétés forestières impliquées dans cette déforestation était une entreprise chinoise appelée Fodeco. Malgré son manque d'expérience dans l'exploitation forestière industrielle, Fodeco a opéré sous la protection des ministres congolais successifs, violant ainsi le moratoire de 20 ans sur les nouvelles exploitations forestières industrielles. « En RDC, n’importe quel document, n’importe quelle preuve de légalité peut être acheté, les administrations légalisent les machines », a déclaré à EL PAÍS/Planeta Futuro un consultant international basé à Kinshasa, qui a requis l'anonymat en raison de son rôle consultatif auprès des autorités de la RDC sur la gouvernance forestière. Cette situation n’est pas propre à Fodeco. Downstream, une filiale de Booming Group, société enregistrée à Hong Kong, viole également les lois congolaises en exploitant du bois dur. Ces entreprises ont obtenu des permis d'exploitation forestière locaux, mais se livrent à l'exploitation forestière et au transport illégaux avec la participation ou l'accord des autorités locales. L'abus de permis d’exploitation est devenu monnaie courante dans de nombreux pays africains. Au Mozambique, des locaux affirment que le pot-de-vin pour exporter un conteneur de bois brut non conforme s'élève à environ 520 USD, ce qui nécessite généralement des pots-de-vin à au moins quatre fonctionnaires du gouvernement. Au Cameroun, certaines entreprises illégales engagent même des fonctionnaires pour escorter le transport du bois illégal. Ces représentants du gouvernement facilitent la communication et sécurisent le passage aux points de contrôle, ce qui représente une autre forme de collusion visant à violer les interdictions d'exploitation forestière. Selon les chercheurs, le Mozambique a reçu jusqu'à 66 projets appartenant à des investisseurs publics ou privés chinois entre 2000 et 2010. Bois de sang Depuis plusieurs années, le Mozambique est confronté à une insurrection près de sa frontière avec la Tanzanie. Entre temps, environ 3,7 millions de tonnes de bois ont été exportées vers la Chine depuis le Mozambique entre 2017 et 20233 – parfois depuis des zones contrôlées par les insurgés – faisant de ce pays le principal fournisseur de bois de la Chine. Un rapport de l'ONG Environmental Investigation Agency (EIA) basée aux Etats- Unis révèle que plus de 89 pour cent des exportations de bois étaient illégales, la plupart étant constituées de bois de rose rares et menacés. Alors que la Chine interdit l'importation d'arbres menacés en provenance de pays africains, le trafic de bois lié aux forêts de Miombo continue d'augmenter, avec une valeur estimée à 23 millions de dollars de bois illégal exporté par an. Une grande partie des revenus de ce commerce illicite du bois est utilisée pour financer des groupes terroristes, selon la BBC. Selon un rapport récemment cité par la BBC, les enquêteurs ont suivi plus de 300 conteneurs expédiés vers la Chine entre octobre 2023 et mars 2024 et ont découvert que la valeur de chaque conteneur était de 60 000 USD pour un total de 18 000 000 USD. En Afrique, des autorités comme l'Union africaine prennent conscience du problème et tentent de trouver des solutions contre l'exploitation illégale du bois et des minéraux. La plupart des pays partageant la forêt des Miombo ont signé la Déclaration de Maputo en 2022, visant à protéger cette zone de plus de 2,7 millions de kilomètres carrés. En outre, le président Filipe Nyusi du Mozambique, dont le pays perd chaque année l'équivalent de 1 000 terrains de football en forêt à cause du vandalisme, du commerce illégal du bois et de l'exploitation forestière illicite dans les forêts de Miombo, tire la sonnette d'alarme. S'exprimant lors d'un séminaire sur la protection du Miombo aux États-Unis, Nyusi a évoqué la nécessité de travailler avec les chefs d'État de la région pour lutter contre la disparition de la forêt de Miombo. « Pour aller loin, nous devons travailler ensemble », a-t-il déclaré. Ambiguïté de la Chine Au cours des dernières années, du bois illégal en provenance d’Afrique a régulièrement afflué sur le marché chinois, et il s’est avéré difficile de définir les responsabilités en matière d’exploitation illégale des forêts. En 2023, l'organisme international de surveillance de l'environnement Global Witness a rapporté que Congo King Baisheng Forestry Development avait exporté pour 5 millions de dollars de bois illégalement exploité vers la société chinoise Wanpeng Wood Industry Co., Ltd. sur une période de six mois. En réponse, les autorités douanières chinoises, se référant aux preuves recueillies par Global Witness, ont indiqué que, puisque l'exploitation forestière avait eu lieu en République du Congo, l'enquête devait être menée par le gouvernement local. À la demande de la République démocratique du Congo, le gouvernement chinois peut enquêter sur les entreprises et les citoyens chinois impliqués dans l'exploitation forestière illégale. En général, l’approche des autorités chinoises en matière d’enquêtes sur les entreprises transnationales repose sur la réparation volontaire. La légitimité de l’ensemble du processus repose donc sur l’autorégulation des entreprises. Il s’agit d’une position contradictoire, car dans des pays comme le Congo, où la corruption est endémique, la loi équivaut souvent à des négociations de pots-de-vin. Selon l'indice de perception de la corruption, le Congo se classait au 158e rang sur 180 pays en matière de corruption en 2023. Charlie Hammans, enquêteur de Global Witness, estime que le seul moyen véritablement efficace de lutter contre le bois illégal est que la Chine interdise explicitement l'importation de bois illégal des pays tiers dans sa loi forestière. La Chine a mis en œuvre certaines mesures dans ce sens ces dernières années. En juillet 2020, la Chine a révisé sa loi forestière afin d'établir une base juridique pour retracer l'origine du bois illégal. L'article 65 de la loi révisée exige : Les entreprises de transformation du bois doivent établir des registres pour l'entrée et la sortie des matières premières et des produits. Aucune unité ou individu ne peut acheter, transformer ou transporter du bois dont on sait qu'il est d'origine illégale, tel que du bois volé ou exploité sans discernement. Cependant, cette réglementation ne couvre pas encore explicitement le bois importé et n’oblige pas les entreprises à faire preuve de diligence raisonnable lors de leurs achats de bois. Le ministère des Richesses naturelles a inscrit la modification de ce règlement à son ordre du jour, mais celui-ci n'a pas encore été publié. [END] --- [1] Url: https://fr.globalvoices.org/2024/06/20/288132/ Published and (C) by Global Voices Content appears here under this condition or license: https://globalvoices.org/about/global-voices-attribution-policy/. via Magical.Fish Gopher News Feeds: gopher://magical.fish/1/feeds/news/globalvoices/