(C) Global Voices This story was originally published by Global Voices and is unaltered. . . . . . . . . . . Prolongation de la durée des transitions en Afrique de l'ouest: analyse de Komlan Avoulete [1] ['Jean Sovon'] Date: 2024-07-01 Depuis 2020, la région ouest africaine connaît une série de coups d'État : le Mali, le Burkina-Faso, la Guinée et le Niger sont aujourd'hui tous dirigés par des régimes militaires qui ne cessent de prolonger la durée de la période de transition et d’user de tous les moyens pour rester aussi longtemps que possible au pouvoir. Pour analyser cette situation qui réduit au néant plusieurs années d’acquis démocratiques, Global Voices s’est entretenu avec Komlan Avoulete, chercheur en géopolitique togolais. Plusieurs de ses travaux portent sur les questions africaines, en particulier les relations entre les l'Afrique et États-Unis ou la France, et le terrorisme en Afrique de l'Ouest. Il contribue régulièrement à des publications telles que le Foreign Policy Research Institute et l’International Policy Digest. Jean Sovon (JS): Comment expliquez-vous le succès des régimes militaires au Niger, au Mali, en Guinée, et au Burkina-Faso ? Komlan Avoulete (KA): Malgré la création de l’Alliance des États du Sahel (Mali, Niger et Burkina-Faso), qui représente une décision importante (après leur départ de la CEDEAO en janvier 2024), la situation sécuritaire et politique dans la région demeure fragile. Les violences contre les populations civiles, les restrictions sur les médias et les attaques terroristes se multiplient, causant des morts presque quotidiennement. L'intensité des défis auxquels chaque pays est confronté varie, mais il est prématuré de parler de succès réel à ce stade. Cependant, il est indéniable que ces régimes militaires bénéficient du soutien d'une partie importante de la population, comme en témoignent les manifestations de soutien et les dons comme au Niger par exemple. Ce soutien s'explique par la faillite des régimes civils précédents, qui n'ont pas su résoudre les problèmes fondamentaux tels que l'insécurité, la pauvreté, la corruption et le manque de transparence dans l'exploitation des ressources. Il est important de noter que ce soutien populaire n'est pas homogène et qu'il existe une opposition à ces régimes. Cependant, il est clair que les militaires au pouvoir ont su s'imposer comme une alternative aux gouvernements civils discrédités, en capitalisant sur les frustrations et les aspirations d'une partie de la population sahélienne. L'importance de la propagande russe (qui lutte contre l'influence occidentale) dans la région ne doit pas être négligée, mais il est important de reconnaître que les populations ne sont pas aveugles. Elles ont leurs propres analyses et motivations, et leur soutien aux régimes militaires ne s'estompera pas facilement. JS: Ces régimes instaurent une période de transition qui se prolonge sans fin. Quelles sont les conséquences à long terme de telles stratégies politiques ? KA: La prolongation des périodes de transition, comme celle récemment au Burkina Faso, résulte d'une combinaison de facteurs complexes. D'une part, ces militaires qui ont pris le pouvoir feront tout pour y rester aussi longtemps possible pour faire face aux différents défis qui les ont poussés à prendre le pouvoir. Par exemple, la menace terroriste, la préservation de la souveraineté de leur état face aux différents ingérences extérieur, et leur projet de créer un Sahel plus développé et uni. D’autre part, il y des raisons personnelles. Leur popularité du moment fait qu’ils sont vus comme des « sauveurs » et ils vont prolonger la transition dans le but de se maintenir au pouvoir et de se présenter aux élections quitte à se bruler avec leur soutien dans les partis politiques et dans la population. Les conséquences à long terme de ces stratégies de transition prolongée sont difficiles à prédire. Deux scénarios principaux peuvent se produire. Premièrement, la perpétuation au pouvoir : si les militaires restent au pouvoir sans apporter de changements concrets à la situation sécuritaire, sociale et économique, cela peut entraîner des divisions au sein de l'armée et une perte de soutien populaire. Ce qui pourrait aboutir à un nouveau coup d'État. En seconde position, la transition vers des élections : Si les militaires réussissent à organiser des élections libres et transparentes, cela pourrait permettre une transition démocratique stable. Cependant, ce processus peut être perturbé si les militaires se présentent eux-mêmes et veulent rester au pouvoir. Le futur de ces pays est maintenant lié à la décision de ces leaders de se présenter aux élections à la fin de la transition et à la situation sécuritaire dans ces pays. JS: Quel sera le rôle des partis d’opposition et la société civile, s’il advenait que les élections soient organisées ? KA: Si des élections démocratiques étaient organisées dans ces pays, les partis d'opposition et la société civile joueraient un rôle crucial dans la consolidation de la démocratie. Les partis d'opposition doivent exercer leur rôle de contre-pouvoir en surveillant de près les actions du gouvernement et en dénonçant les abus de pouvoir. Ils doivent proposer des alternatives politiques et participer au débat public de manière constructive. Ils doivent s'assurer que les voix de tous les citoyens, y compris les minorités, soient entendues et représentées dans le processus démocratique. La société civile, quant à elle, jouera un rôle essentiel dans la mobilisation des citoyens et la sensibilisation aux enjeux démocratiques et contribuera à garantir la transparence et la crédibilité du processus électoral. Le succès de la démocratie dépend d'une collaboration étroite entre les partis d'opposition et la société civile. Ils doivent se mobiliser ensemble pour défendre les valeurs démocratiques, exiger la transparence et la responsabilité du pouvoir, et promouvoir le bien-être des citoyens. JS: Un scénario semblable à celui du Tchad (où Deby fils, dirigeant la transition est élu président) peut être envisageable dans ces pays sous régime militaire ? KA: Tout est possible, mais il n'est pas aisé de quitter le pouvoir après une transition, surtout lorsqu'on a le soutien de la majorité de la population. Cela est plus facile si la situation sécuritaire dans le pays s'améliore considérablement. Mais dans le cas contraire, les militaires pourraient chercher à se maintenir au pouvoir pour continuer leur grand projet pour le Sahel et leur alliance. L’élection d’un civil qui n’est dans la même logique d’idées que ces militaires peut être vue comme un possible moyen pour des puissances étrangères de faire vaciller ce qui est déjà en gestation. Donc, s'il n'y a pas de nouveau coup d'État, la majorité des dirigeants du Burkina Faso, du Niger, du Mali et de la Guinée suivront le chemin du Président Deby fils. JS: Un retour du Niger, Mali, et Burkina-Faso dans la CEDEAO est-il possible, malgré leurs positions qui sont contre les valeurs de cette organisation régionale? [END] --- [1] Url: https://fr.globalvoices.org/2024/07/01/288782/ Published and (C) by Global Voices Content appears here under this condition or license: https://globalvoices.org/about/global-voices-attribution-policy/. via Magical.Fish Gopher News Feeds: gopher://magical.fish/1/feeds/news/globalvoices/